ENVIE DE CHOCOLAT ? LA REPONSE AMERE

Alors que le chocolat est le plus souvent assimilé à une friandise sucrée, le chocolat noir contient également la saveur amère, l’un des goûts les moins courants dans nos alimentations occidentales. A moins que les pissenlits, la courge amère et le curcuma ne figurent à votre menu quotidiennement, il se peut tout simplement qu’il manque un élément essentiel à votre alimentation. Ce qui pourrait bien expliquer cette envie … Ne vous précipitez pas pour autant sur une tablette de chocolat -Ou du moins, pas encore.

La cuisine et l’alimentation ayurvédiques sont, bien entendu, spécifiques et uniques à chaque personne. Toutefois, certains principes fondamentaux pour une alimentation saine sont valables pour tous. Un de ces principes est qu’un repas équilibré doit être savoureux, et inclure les 6 goûts des aliments: le sucré, l’acide, le salé, le piquant, l’amer et l’astringent. Selon l’Ayurveda, la sagesse inhérente des saveurs est un véritable guide qui nous permet de satisfaire nos besoins nutritionnels de façon naturelle. Plutôt que de d’éplucher les étiquettes pour y repérer les quantités de protéines, de lipides, de glucides ou de calories, laissez vous tout simplement guider par la carte des saveurs.

LES SIX SAVEURS:

Les aliments individuels sont faits de saveurs multiples, mais généralement, seul un goût prédomine. Pouvez-vous donner un exemple de nourriture pour chacune des saveurs? Si vous avez du mal avec la saveur astringente, vous n’êtes pas le seul. Voici un aperçu rapide.

La saveur sucrée ou douce est présente dans la majorité des aliments que nous consommons. Les sucreries et les desserts nous viennent en premier à l’esprit, mais les fruits et les féculents sont tous naturellement sucrés. La plupart des produits laitiers, les légumineuses, et les légumes cuits contiennent tous la saveur douce. Certains seront peut être surpris d’apprendre que les produits d’origine animale, y compris la viande et les œufs, ont le goût sucré. Ile en est de même pour l’ail, et un grand nombre d’épices comme la cardamome, la cannelle et la coriandre. La saveur sucrée nous aide à nous bâtir une charpente solide, et, en quantités modérées, est loin de mériter la mauvaise réputation que lui attribuent souvent les manuels de nutrition moderne. Toutefois, parce que le doux nous fait saliver, et que nous avons tendance à en raffoler, il est facile d’en abuser. De ce fait, incorporer assez de saveur douce dans notre alimentation quotidienne est généralement loin d’être un problème.

La saveur amère est présente dans les fruits acides tels que les pamplemousses, les citrons, et les mangues et raisins pas encore mûrs… Les tomates, le vinaigre, le yogourt, le fromage, et la plupart des aliments fermentés tels que le miso ont le goût amer. Rares sont les épices et plantes amères, à l’exception de la sarriette et de …l’ail! De petites quantités de goût amer aident à stimuler l’appétit, la digestion et l’élimination.

Le sel de mer, les sels minéraux, le sel gemme, les oligo-éléments, la sauce soja, les fruits de mer et les algues, sont tous naturellement salés. Faut-il rappeler que presque tous les aliments cuisinés « prêts à consommer » contiennent du sel? Le sel et le sucre donnent bon goût aux aliments, et nous avons tendance à les consommer en excès. Pourtant, des quantités de sel modérées améliorent la digestion et l’élimination, maintiennent l’équilibre minéral, et ont un effet calmant sur les nerfs.

Les saveurs piquantes sont celles que nous avons tendance à considérer comme « épicées ». La plupart des épices, comme le piment, le poivre noir, le poivre de Cayenne, le paprika et la moutarde sont piquantes. Certaines plantes piquantes moins évidentes incluent l’origan, l’anis, le clou de girofle et les feuilles de laurier. Le gingembre, l’oignon, et … l’ail sont également piquants, ainsi que certains légumes tels que le radis, le poireau, le persil, le navet et le chou. Tout comme le sucré et le salé, le piquant est un goût addictif dont nous avons tendance à abuser. Pourtant, des quantités raisonnables de piquant aident à la digestion et à la désintoxication, améliorent la circulation et le métabolisme, et aident à réduire les douleurs musculaires.

Si vous avez répondu « chocolat » pour le goût amer, mettez vous 20/20! Précisez le chocolat noir. Les salades aux feuilles vert foncé comme les épinards, les blettes et les pissenlits, sont amers, comme le sont l’endive, l’aubergine et la rhubarbe. Dans votre placard à épices, optez pour le curcuma, l’aneth, le fenugrec et … l’ail ! La bière, le thé vert, et le café sont également sur la liste amère. Bien que ni nos langues ni nos coeurs n’apprécient l’amertume en elle-même, cette saveur rehausse celle des autres goûts, et est connue pour être un agent antiseptique et désintoxiquant puissant, et pour aider à contrôler les fringales et les envies. N’en faites pas une excuse pour déboucher une autre bière !

La saveur astringente est présente dans les légumes crus tels que choux, le poivron, le céleri, la plupart des légumes verts, et la coriandre. Les fruits astringents comprennent la grenade, les canneberges et bananes vertes. La plupart des légumineuses sèches, les noisettes et les pignons de pin, les thés noirs et verts, sont tous astringents. N’oublions pas les épices comme la coriandre, la sauge, le fenouil, le romarin, le persil, l’origan et la muscade. Parce que ce dernier goût assèche et rend la nourriture difficile à avaler, il est le compagnon idéal des fins de repas. Ses qualités contractiles envoient au cerveau le signal que le processus du repas est terminé. Essayez de vous brosser les dents avec un dentifrice au fenouil plutôt qu’à la menthe sucrée, et notez la différence !

BONNE NOUVELLE: un repas savoureux, une bonne digestion et une bonne santé sont indissociables

L’effet des saveurs sur la digestion est simple. Dès qu’une bouchée entre en contact avec notre langue, le goût nous permet non seulement d’identifier ce que nous mangeons, mais aussi de libérer la valeur nutritive des aliments et de commencer le processus de la digestion. Un supplément alimentaire sous forme de pilule, avalé tout rond, rivalise donc difficilement avec la valeur nutritionnelle d’un repas équilibré. Les plats appétissants stimulent nos sens, allument le « feu » de la digestion, et lui permettent de continuer à brûler efficacement. Rappelez vous des jours où vous aviez un rhume, et que votre nez bouché ne vous laissait percevoir ni odeur, ni saveur. Vous n’aviez probablement pas beaucoup d’appétit, et votre digestion était inefficace. En Ayurveda, si votre nourriture est insipide, votre digestion finira par s’affaiblir, les éléments nutritifs ne pourront donc pas être métabolisés efficacement, les toxines vont commencer à s’accumuler, et votre état de santé risque fort de s’en trouver compromis.

Fait intéressant, les cuisines dites traditionnelles combinent toutes les saveurs pratiquement à chaque repas. Nous semblons avoir oublié cette sagesse ancestrale quand nous nous persuadons que les choses qui ont bon goût sont «mauvaises» pour nous, et nous limitons à des régimes alimentaires fades dans un effort de contrôler nos poids (du genre poisson blanc et légumes à la vapeur tous les jours). Préparer vos repas avec une variété d’herbes et d’épices est le meilleur moyen d’incorporer les 6 saveurs. Il suffit par exemple d’ajouter une pincée de cardamome, de cannelle, de muscade et de sel de l’Himalaya à vos céréales du matin. Parsemez le tout d’une cuillère à soupe de raisins secs et d’amandes, dégustez une tasse de thé vert, et vous aurez ainsi un petit déjeuner savoureux et qui vous tiendra à l’estomac toute la matinée. Pour le dîner, si vous tenez aux légumes cuits à la vapeur, ajoutez une gousse d’ail écrasée, une pincée de sel, et un filet d’huile d’olive. Vous avez probablement noté que l’ail possède toutes les saveurs sauf le salé !

Se nourrir ainsi a un autre avantage: notre cerveau nous indique que nous avons besoin de nourriture sous forme de signaux tels que la faim ou les envies. Inclure les 6 saveurs à chaque repas peut aider à éviter la surconsommation de certains aliments, ainsi qu’à prévenir les fringales. Si vos papilles gustatives sont frustrées par le manque de telle ou telle saveur, vous irez chercher ce qui manque aux mauvais endroits. Envie de sel? Vous risquez d’engloutir un paquet de chips. C’est la raison pour laquelle les régimes restrictifs ne fonctionnent généralement pas, et peuvent au contraire conduire même les mieux intentionnés à « craquer » et faire des orgies de chocolat ou à dévaliser une pâtisserie.

Pas encore convaincu? Le goût a également un impact sur nos esprits et nos émotions. Dans l’Ayurveda, le goût ou « rasa » est également traduit par « se sentir vivant» ou encore « danser». Je ne sais pas vous, mais je n’ai jamais dansé devant un repas basses calories surgelé … Ce que nous donnons à notre corps nourrit aussi notre esprit…Pensez à nos expressions quotidiennes telles qu’ « une pilule amère », ou encore le terme affectueux, ma « douce ». La nourriture nous parle par le biais des saveurs.

Le goût est un sujet extrêmement complexe en Ayurveda. Votre constitution unique, vos schémas émotionnels, ainsi que les fluctuations de l’environnement, déterminent la proportion de chaque saveur qui vous convient personnellement. Utiliser les proportions justes, au bon moment, est un art et une science en Ayurveda. Commencer par incorporer un peu de chaque saveur à chaque repas est un bon début. Affiner les quantités deviendra beaucoup plus facile quand vous apprendrez à encore mieux vous connaitre. Il vous suffira tout simplement d’écouter la sagesse innée de votre corps. Par exemple ceux dotés de natures passionnées se rendront vite compte que trop de Cayenne ou de piquant aggrave leurs caractères déjà impétueux, alors qu’un fruit juteux les aidera à modérer leur fougue!

Le Docteur Shresta, une de mes professeurs, nous a simplement dit lors d’une de ses conférences: « Tout est bon, rien n’est bon. Tout est mauvais, rien n’est mauvais « . Donc, si un carré de chocolat noir vous tente à la fin du repas ce soir, ne vous sentez pas coupable. Laissez vos papilles gustatives danser, tout en sachant que ce petit plaisir vous permet aussi de satisfaire vos besoins nutritionnels.

Florence Debout
Physiothérapeute sportif
Professeur de yoga
Conseillère de santé selon l’Ayurveda
info@florencedebout.com

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